S'il y a une chose qui se distingue du parcours d'entraînement d'Alexandra Dostie, c'est son Engagement (et les résultats qui viennent avec). Voici ce que tu peux retirer d'utile pour ton propre parcours.
Par
Étienne Booth
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« Je suis tannée de pas pouvoir faire ce que j’ai envie de faire. »
Quand je me suis assis devant Alexandra Dostie pour la première fois en tant que coach, c’est ce qu’elle m’a dit.
Puis elle a ajouté :
« Et je veux plus jamais me sentir comme ça. »
Je ne le savais pas à ce moment-là, mais c’était le point de départ d’un des parcours les plus impressionnants que j’ai vu dans ma décennie comme entraîneur.
En réalité, ce n’était pas la première fois que je rencontrais Alex.
Presqu'un an plus tôt, je travaillais comme assistant d’enseignement dans un cours du baccalauréat en intervention plein air de l’UQAC. L’objectif du cours était d’initier les étudiants de 1ère année aux techniques d’expédition hivernales. Attache un sac de 75 lb sur ton dos. Embarque sur tes skis. Monte une montagne. Installe ton campement. Dors à -20 °C. Ce genre de trucs.
Alex faisait partie de cette cohorte.
Pour elle, ça n’a pas été une expérience plaisante.
« Je n’étais pas assez forte pour être solide sur mes skis. Je tombais tout le temps. J’étais déconditionnée, et je dépensais toute mon énergie à me relever. Je retardais le groupe. J’étais fatiguée. Frustrée. Complètement dépassée. »
Je le sais; j’ai été témoin de tout ça. La première soirée de l'expédition, Alex est venue m’annoncer qu’elle quittait, maintenant. Initialement, je croyais que c’était une blague. Mais Alex ne riait pas. J’étais pris de court. Épuisée et au bout de ses ressources, il était impensable parcourir le trajet inverse dans la nuit et le froid de l’hiver. Mais le sérieux de sa décision montre à quel point elle était complètement hors de sa zone de confort.
Alors je l’ai envoyé se coucher. Alex a complété l’expédition. Péniblement.
Repensant à l’expérience, elle m’a récemment dit que cette sortie de ski hors-piste n’était pas le seul événement qui l’a poussée à agir. Mais c’était certainement une claque de plus au visage.
« J’ai réalisé qu’avec ma condition physique, je ne pourrais jamais mettre en pratique ce que j’étudiais. Je ne pourrais jamais travailler dehors. Je n’étais tellement pas en forme que je ne pouvais même pas profiter des cours pour apprendre. »
Mais au-delà de l’aspect de développement professionnel, il y avait une insatisfaction plus profonde. Dans ces mots :
« Ce n’était pas ce que je voulais être comme personne. J’étais réellement mal dans ma peau. »
« J’ai touché le fond. »
Aujourd’hui, Alex est directrice des opérations au Parc régional du Poisson Blanc. Sur le terrain, elle est plutôt connue comme la reine des opérations. Le titre de n’est pas donné à la légère. Il est mérité. Ce n’est pas un rôle de gestion dans un bureau climatisé.
Le Parc gère, protège, et met en valeur le territoire du lac Poisson Blanc, en Outaouais. Il est particulièrement reconnu pour son offre de location de sites de camping sur les 55 îles du lac. L’expérience est hors-norme, riche, et extrêmement populaire. Quelqu’un doit entretenir et aménager les installations nécessaires à cette affluence.
Et ça, c’est Alex et son équipe.
Chaque île est essentiellement un cap de rocheux qui grimpe abruptement hors de l’eau. Parce que le territoire ne permet pas d’utiliser de machinerie à roues, le transport de matériaux doit se faire avec la force humaine. Du bois de charpente à l’épaule ou au-dessus de la tête. Des sceaux et des sceaux de sable pesant 35 à 50 lb chacun. Déplacer, mais aussi manier des outils lourds (marteau-piqueur, génératrice, pompe à eau, tarière) sur du terrain dénivelé et cahoteux.
Le travail est ardu. Physique. Exigeant. Le faire pour une journée est difficile. Le faire pour un quart de travail de 9 jours est épuisant. Mais pour le faire pendant une saison d’une demi-année, il faut une fondation physique indéniablement solide.
Et Alex doit avoir assez de capacité physique non seulement pour exécuter elle-même ces tâches, mais aussi pour leader l’équipe qui entretient et développe le territoire. On ne peut pas mener une équipe si on est nous-mêmes physiquement dépassé.
Pour leader, il faut de la capacité en banque.
Alex n’a pas construit cette banque de capacité du jour au lendemain.
Un de mes souvenirs les plus marquants à coacher Alex remonte à 2018, vers la fin de ses études au baccalauréat en intervention plein air. Pour leur expédition finale, une partie de la cohorte allait descendre la rivière Kanaapscow, à l’est de la Baie-James. Pour Alex, l’expédition était un test du progrès d’un an d’efforts. La chance de se prouver à elle-même.
Et le symbole d’être prête, c’était d’être capable d’embarquer elle-même un canot sur son dos. À ce moment, j’étais déjà convaincu qu’elle avait la capacité physique pour le faire. Elle avait fait le travail pour se développer. Elle avait la force, la puissance, l’agilité et la coordination pour le faire. J’avais vu les preuves.
Tout ce qu’il lui manquait était un peu de technique. Alors on a rentré un canot dans le gym, et on a décortiqué et pratiqué chaque portion du mouvement. Puis est venu le temps de le faire. Voici le résultat.
Alex était prête.
Elle n’a pas seulement fait l’expédition. Elle a démoli les défis physiques, des portages jusqu’à la fatigue accumulée à voyager dans un territoire hostile. Dans le groupe, elle s’est mérité une réputation pour sa solidité devant l’adversité.
Mais encore plus important, elle avait elle-même la preuve qu’elle était capable.
Alors qu’est-ce qui s’est passé entre la version dépassée d’Alex qui a « touché le fond », et la reine des opérations?
Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’elle passe de celle « qui retarde le groupe » en expédition, à celle qui tire physiquement et psychologiquement le groupe vers l’avant?
Bien, elle a intégré l’entraînement dans sa vie.
Elle a appris les bases nécessaires pour s’entraîner de manière sécuritaire et efficace. Elle s’est entraînée régulièrement. Elle a priorisé la mobilité, puis la stabilité nécessaire au mouvement, avant de pousser sa capacité. Elle a exécuté l’intention derrière chaque répétition au meilleur de ses capacités. Elle s'est rapidement mise en action pour régler les causes de blessures qui commencaient à poindre. Et elle s’est toujours appliquée à repousser sa compétence technique.
Elle est restée sur son parcours d’entraînement, accumulant les semaines, les mois, les années de progrès imperceptibles au jour le jour.
Mais de mon point de vue, ce qui distingue véritablement Alex, ce qui a soutenu la constance de ses actions et les résultats qui sont venus en conséquence…
c’est son Engagement.
Être engagé, c’est avant tout un état d’esprit de responsabilité envers ses résultats.
Puis, c’est de concrétiser cette prise de responsabilité par les actions que nous savons avoir le plus d’impact.
Si on voulait quantifier l’Engagement :
Engagement = (Nos actions réelles) / (Actions que nous savons que nous devrions faire)
Être engagé, c’est d’agir au meilleur de ses capacités pour atteindre le résultat souhaité.
Voici 5 manifestations concrètes de l’Engagement d’Alex qui se démarquent pour moi :
Alex n’a jamais simplement payé pour l’accès à un coach, une programmation, un gym, et une gang d’entraînement, puis attendu passivement les résultats.
Elle cherche la rétroaction de son coach, applique rigoureusement la programmation, profite d’avoir un gym accessible en tout temps, et s’est liée à des partenaires d’entraînement qui la pousse à être meilleure.
Elle utilise chacune de ces ressources activement. Elle agit comme quelqu’un qui comprend qu’un outil est un levier; le résultat dépend de l’énergie qu’on met dans son utilisation.
Depuis des années, Alex trimbale avec elle un journal de notes qu’elle appelle sa « Bible ». Elle y inscrit des prises de conscience, des apprentissages techniques, mais aussi les questions qui surviennent à l’entraînement. Cela fait en sorte que dans nos séances de développement, Alex arrive préparée.
« J’ai 14 questions pour toi aujourd’hui. »
« 1. Qu’est-ce que je suis supposé faire avec mes épaules dans un deadlift? »
« 2. Tu dis qu’un ring row travaille les grands dorsaux. Mais je sens pas du tout mon dos quand j’en fais. C’est normal? »
…
Le fait qu’Alex arrive avec des questions précises n’élimine pas ma responsabilité comme entraîneur de la guider dans son développement. Mais parce qu’elle identifie elle-même ce qu’elle voit comme des obstacles, cela me donne de l’information pertinente pour éliminer la friction à son progrès.
Dans sa Bible, Alex indique les séries, répétitions, et charges de certains mouvements. Mais elle note aussi parfois son impression subjective de l’entraînement. Comment elle s’est sentie, son niveau de satisfaction, ce qu’elle croit qu’elle devrait faire différemment la prochaine fois.
Sa Bible devient donc une référence pour mesurer son progrès.
Et cela lui permet de reconnaître et célébrer les plus petites victoires (plus à ce sujet un peu plus loin).
En contexte de groupe, Alex est attentive au coaching même si la rétroaction ne lui ai pas destinée. Elle utilise souvent les moments de pause d’une série d’exercices pour être à l’écoute pendant que le coach communique un point technique ou un réalignement d’intention à un autre membre.
C’est un excellent exemple de maximiser l’utilisation des ressources à sa disposition.
Lorsque je l’ai questionné à ce sujet, elle m’a répondu :
« C’est pas parce que le coaching n’est pas personnalisé à toi, que ce n’est pas utile pour toi. »
L’intention est un de nos 5 Piliers de l’entraînement. (lien)
L’exécution machinale des mouvements ne donne qu’une fraction des bénéfices possibles. Pour avoir des gains substantiels, il faut solliciter la composante ciblée (force, puissance, endurance, mobilité, stabilité, etc.) près de sa capacité maximale. Et cela requiert un effort conscient et dirigé.
Quand Alex s’entraîne, on peut voir son intention. Elle est concentrée, fait abstraction de son environnement. Elle se met dans un état émotif qui favorise l’exécution de l’intention. Il y a des indicateurs physiques qu’elle exécute l’intention de chaque portion de l’entraînement près de la limite de ses capacités.
On peut sentir l’intensité de son intention.
Quand j’ai questionné Alex pour savoir comment être aussi engagé qu’elle dans son entraînement, elle m’a répondu sans hésitation :
« Tu dois savoir pourquoi tu t’entraînes. Tu dois aller chercher vraiment profond. Pas juste en surface. »
Des années plus tôt, elle m’a dit qu’elle était tannée de ne pas pouvoir faire ce qu’elle veut faire, et qu’elle ne voulait plus jamais vivre ça. C’était la référence. L’état dont elle voulait s’éloigner. L’intensité émotive face à cet état est devenue le moteur initial de son Engagement.
« Quelqu’un qui ne sait pas pourquoi il s’entraîne ne peut pas justifier ses efforts quand ça devient difficile. »
Et commencer à s’entraîner est difficile.
Certaines personnes sont inconfortables avec une formulation négative de leur motivation. Si c’est le cas, aucun problème. Tu peux très bien définir positivement ce que tu veux atteindre.
Mais selon mon expérience, il est plus bien facile pour les gens d’identifier et de se mettre en action face à un état qui génère une puissante émotion négative. Tu peux ensuite inverser cet état pour le rendre positif.
En fait, je recommande de placer ces deux états sur un continuum. L’état dont tu veux t’éloigner à une extrémité, l’état vers lequel tu veux travailler à l’autre. Le succès n’est alors pas l’élimination ou l’atteinte d’un ou l’autre de ces états, mais de progresser dans la bonne direction.
Cela permet aussi d’être engagé dans le temps.
7 ans après avoir commencé à s’entraîner avec nous, Alex a évolué dans son état. Mais pas dans sa motivation.
« Je ne suis plus tannée, mais maintenant je veux garder ce que j’ai acquis. »
« Je ne veux pas redevenir incapable de faire ce que je veux. J’en ai un rappel constant. Si ma condition physique commence à glisser, je reconnecte avec la raison pourquoi j’ai commencé à m’entraîner. »
Pour être engagé, définis pourquoi tu veux t’entraîner.
Pour être aussi engagé qu’Alex, je dirais qu’il y a un second aspect à reproduire.
Alex est excellente à reconnaître et célébrer ses plus petites victoires.
Elle le célèbre.
Sonner notre cloche à record personnel. Faire un high-five ou un fist bump bien senti à son partenaire. Serrer les poings et les dents en signe de victoire. Crier son trop-plein d’intention. Aller marcher seule pour mieux communiquer avec elle-même. Que cela se fasse de manière interne ou externe, seule, ou en gang, elle va marquer son accomplissement.
Comment elle célèbre n’as pas d’importance.
L’important est qu’en le faisant, elle se conditionne elle-même. Elle renforce le comportement qui l’a amené à célébrer. Elle alimente son Engagement.
Je vois trop de gens refuser de reconnaître leurs efforts et leurs accomplissements. Peut-être par modestie. Par éducation. Ou par inconfort de toute attention. Mais le résultat est qu’ils se privent eux-mêmes de la récompense nécessaire au maintien de leur Engagement.
Ne fais pas ça.
Célèbre ce qui mérite d’être célébré.
Mais pour le faire, il faut commencer par le reconnaître.
La réalité est qu’à l’entraînement, tu ne sens ton progrès physiologique.
Au jour le jour, la progression physique est trop lente. Et parce qu’on ne peut pas parfaitement comparer comment on se sent maintenant à comment on se sentait dans le passé, il est difficile de se fier à notre perception. Et même en étant significativement plus en forme, il est tout à fait possible qu’on ne se sente tout simplement pas différent.
Alors pour reconnaître le progrès physique, il est important d’avoir des données objectives. C’est ici que la Bible d’Alex devient pertinente.
« Tu ne sens peut-être pas que tu progresses, mais les chiffres le prouvent. »
Les données subjectives ont aussi une valeur. Spécialement si elles sont rattachées à un événement spécifique et réplicable.
« Si je note que j’ai de la douleur à l’épaule quand je me suspends à la barre, et que je refais la même chose sans douleur un mois plus tard après avoir fait un programme de mobilité et de renforcement, ça aussi c’est du progrès. »
Absolument.
Pour être engagé, tu devrais définitivement prendre des notes pour reconnaître le progrès dans tes résultats. Le progrès, qu’il soit objectif ou subjectif, alimente l’Engagement. Il confirme que tu avances dans la bonne direction. Les résultats méritent d’être célébrés.
Mais à mon avis, il est bien plus bénéfique d’apprendre à reconnaître (et célébrer) les actions qui mènent éventuellement à ce progrès. Pour faire ça:
Tu sais alors pourquoi, vers où, et comment te mettre en action.
Le succès devient alors d’agir au meilleur de ses capacités.
Le succès devient détaché du résultat.
Le succès devient l’Engagement lui-même.
Et l’Engagement soutenu est la façon la plus certaine d’arriver aux résultats.
Reconnais et célèbre les plus petites victoires.
On a tendance à surcompliquer l’entraînement.
Je dirais qu’Alex est un exemple de comment le plan peut être simple :
1. Définis pourquoi tu veux réellement t'entraîner. Souvent, c’est plus efficace d’identifier ce que tu refuses de continuer à vivre. La réponse va justifier tes efforts devant l’inconfort nécessaire au changement.
2. Apprends à progresser à partir d’où tu es. Quelle est la prochaine étape atteignable qui t’amène dans la bonne direction? Fais ça. Si ce n’est pas clair, trouve un coach compétent pour te guider.
3. Construis ta capacité physique en restant sur ton parcours. La vitesse est moins importante que la constance. Reconnais et célèbre les plus petites victoires. Un changement monumental est construit avec des progrès imperceptibles.
Mais si j’avais une seule phrase pour résumer ce que je crois qui devrait être retenu du parcours d’entraînement d’Alexandra Dostie, ce serait celle-ci :
Ton Engagement est le carburant de ton progrès.
On t’aide à intégrer l’entraînement fonctionnel dans ta vie. Pour que tu sois fort, capable, et confiant – pour la vie