Être un gym différent

Accepter d’être différent

*Janvier 2018 marque le 3 ans d’ouverture des portes d’Engrenage. J’ai pris un temps pour réfléchir en me donnant pour objectif de mettre en mots trois apprentissages qui se sont clarifiés dans cette période. Vous pouvez lire ici les autres apprentissages 1. Pourquoi les membres restent et 3. Bénéfique pour tous.

En rétrospective, les trois dernières années nous ont appris à accepter d’être différents.

Pour être clairs, nous n’avons pas appris comment devenir différent. Être différent n’est pas une aspiration en soi. Être différent est le produit de nos ambitions, la conséquence de regarder ce que nous voulons accomplir avec un œil frais et de mettre en application notre créativité et le meilleur de nos compétences.

Être différent est le produit de nos ambitions.

Parce que dès le départ nous avions un objectif ; celui d’avoir un impact réel et à long terme sur la capacité physique de nos membres. Tout dans notre plan initial (et dans les décisions qui ont suivi) a été mesuré par rapport à cet objectif. Investir du temps pour développer une relation professionnelle avec chaque membre au lieu de viser un grand volume de clients. Tenter de professionnaliser le métier d’entraîneur pour permettre de développer des compétences sur la durée d’une carrière au lieu d’avoir un roulement constant d’entraîneurs. Créer un environnement et une gang qui facilite l’intégration de l’entraînement dans la vie des membres au lieu d’offrir uniquement la location d’un espace et d’équipements en étant un client anonyme.

Tous ces éléments détonnent de l’industrie du conditionnement physique traditionnel, mais ont été mis en place parce que nous croyons qu’ils contribuent à avoir un impact à long terme. Ce que nous avons appris n’est donc pas comment devenir différent, mais plutôt comment assumer cette différence.

Parce que la différence dérange. Elle rend inconfortable, elle confronte. Elle déstabilise et oblige le questionnement. Et malgré nos idées, parce que nous nous sommes lancés dans un nouveau projet nous n’avions tout simplement pas les preuves de l’expérience concrète. Dans cette phase initiale, nous étions particulièrement sensibles aux commentaires, même bien intentionnés, et au doute qui en résulte.

La différence dérange, elle confronte.

Peut-être que nous faisions effectivement fausse route. Peut-être que notre plan était irréaliste, trop lourd en investissement de temps et d’efforts pour être soutenable à long terme. Au final, la clé de notre plan repose non pas sur une stratégie de vente, mais sur quelque chose de bien plus complexe : la construction patiente de relations humaines.

Peut-être que nous perdions notre temps et que nous allions échouer de façon spectaculaire à cause des raisons mêmes que nous espérions être les éléments de notre réussite. À chaque commentaire, nous avions le sentiment de devoir non seulement expliquer les raisons de nos choix, mais aussi de justifier à nouveau nos décisions à nous-mêmes. Et c’est ce que nous avons fait.

À chaque critique, remarque, observation, nous avons refait le processus de tester nos décisions. Nous avons tenté de regarder notre plan sous l’angle de l’observateur, de comprendre son point de vue et de prendre ce qui pouvait enrichir notre réflexion. Nous avons appris à être reconnaissants de l’intention (même si concrètement elle se manifestait parfois comme une accusation), puis à mettre de côté le doute une fois que nous avions réfléchi et testé les conséquences de l’option proposée.

Nous avons appris à respectueusement tenir le cap.

Avec le temps, nous avons appris à respectueusement tenir le cap. Nous avons appris à rester ouverts, mais à ne pas être faibles dans notre détermination à mettre en œuvre des solutions qui ont réussi à survivre à ce barrage de doutes et de questionnements. Nous avons appris à dire non, à reconnaître une critique non fondée et de passer à autre chose. Nous avons appris à ne pas accorder de valeur à un commentaire fondé sur le simple fait qu’une solution est inhabituelle : « Pourquoi vous ne faites pas comme les autres » n’est pas un argument valide.

En même temps, si ce processus a initialement consommé énormément d’énergie, il a été utile. Parce que notre plan en est sorti plus fort. Et il faut reconnaître que même si notre intention d’avoir un impact à long terme sur la capacité physique de nos membres est restée intacte, la méthode de comment y arriver, elle, a été influencée par des commentaires constructifs qui nous ont poussés à nous adapter. Nous n’avons jamais refusé d’écouter et nous nous sommes approchés un peu plus de notre objectif en conséquence.

Pas une confiance aveugle, mais une confiance tranquille.

Nous avons appris que le doute est utile, et nous croyons aujourd’hui que la certitude est dangereuse. Parce qu’elle empêche de voir ses propres failles et rend le progrès impossible.

Progressivement, il y a eu moins de défiance, plus d’acceptation et de support à nos méthodes. Peut-être que ce changement a été causé par une meilleure capacité à communiquer les raisons de notre façon de faire, ou peut-être aussi que nous attirons aujourd’hui des gens qui sont plus naturellement interpellés par notre vision.

Mais nous croyons que la vraie raison de cette accalmie est que nous sommes plus confiants. Non pas une confiance aveugle, mais une confiance tranquille, bâtie avec la pratique et une montagne de remises en question. Une confiance qui nous permet aujourd’hui d’assumer nos différences, et de voir la confrontation justifiée des normes comme étant productive au lieu d’insécurisante.

En d’autres mots, ces trois dernières années nous ont appris à accepter d’être différents.

 

À propos de l’auteur

ÉTIENNE BOOTH

Fondateur d’Engrenage, Étienne partage le plus gros de son temps entre ses rôles d’entrepreneur et d’entraîneur. Son passé d’instructeur en plein air lui a appris sur l’humain et les groupes. Son M. Sc. en médecine expérimentale lui a appris à être critique devant la science et lui a ouvert l’opportunité d’enseigner la psychologie sportive à l’Université du Québec à Chicoutimi. Engrenage lui permet de mettre en œuvre l’ensemble de ses expériences.